Je suis né en 1983; mes parents s’appelaient Richard et Kerri. J’ai un frère et deux sœurs. J’ai grandi dans un foyer où il y avait beaucoup de remous et où les adultes consommaient des drogues. C’était un milieu très dysfonctionnel, comme vous pouvez l’imaginer. À 13 ans, j’ai parcouru le Canada sur le pouce. Ma vie à l’époque était pleine de sérieux abus mentaux, émotionnels, physiques et sexuels. Toujours en mouvement, j’ai croisé bien des gens sur mon chemin. Certains étaient gentils; d’autres ont profité de moi. C’est la réalité que je tentais de fuir – une situation bien différente de celle de la plupart des jeunes de 13 ans au Canada.
Mon premier souvenir positif remonte à l’âge de 11 ans. J’avais de bons amis et je faisais des choses amusantes dans ma communauté. Mais les souvenirs positifs ont été rares par la suite. Une grande partie de ma vie a été marquée par des expériences tristes qui m’ont profondément atteint – des expériences difficiles à comprendre pour quelqu’un qui ne les a pas vécues.
À l’âge de 10 ans, on m’a retiré de mon foyer et ma famille m’a beaucoup manqué. J’adorais l’école, en particulier le primaire, et j’ai plutôt aimé le secondaire dans une classe adaptée à mes difficultés d’apprentissage. Ça a engendré certains défis, mais dans l’ensemble mes professeurs avaient bon cœur et travaillaient avec moi.
À l’adolescence, j’ai fait le tour des foyers de groupe et des centres pour jeunes délinquants. Rendu à l’âge adulte, j’ai passé 11 ans et demi en prison. J’ai purgé des peines dans des pénitenciers provinciaux et fédéraux pour divers délits. Je suis sorti de prison depuis quatre ans. Pendant une bonne partie de ces années, j’ai vécu dans des hôtels et j’ai été expulsé de plusieurs appartements. L’instabilité constante était extrêmement difficile. Il existe très peu de services de soutien pour aider les personnes remises en liberté à se réadapter au monde extérieur. C’est une expérience qui isole. Par où devrait-on commencer? C’est quasiment comme si le système était conçu pour qu’on échoue.
J’ai été sélectionné par un comité pour être logé ici (dans un établissement de 16 logements à Whitehorse, Yukon), dans le cadre du programme Logement d’abord. J’y vis depuis maintenant un an, et ça a fait une grande différence. Ici, on applique la réduction des méfaits. Les locataires ont accès à du matériel neuf pour la consommation plus sécuritaire de drogues. Mais surtout, si on veut obtenir un service, le personnel nous aide à le trouver. Ça inclut le soutien mental, financier, social, juridique et médical. Quand des gens disent que la réduction des méfaits « encourage » la consommation de drogues, c’est carrément faux. Elle met les personnes en contact avec des services salvateurs qui les aident à changer leur vie. Elle nous donne de l’espoir et nous aide à aller de l’avant. J’en suis la preuve vivante.
J’ai eu des troubles de toxicomanie pendant la majeure partie de ma vie. J’ai commencé à boire et à fumer à l’âge de 13 ans. Puis j’ai progressé vers la cocaïne, l’héroïne et le crystal meth. Ce n’est plus la vie que je souhaite.
C’est le temps de changer. Comme tout le monde, j’ai des espoirs et des rêves. Je suis arrivé à un stade de ma vie où je veux changer. Je suis fatigué de ce mode de vie et je sais qu’il y a de meilleures options. J’ai décidé de suivre un traitement et d’essayer du mieux que je peux. Je sais que ça ne sera pas facile, mais les choses importantes sont rarement faciles. Un jour, j’espère acheter un terrain et y bâtir une maison. J’aimerais rester sobre, m’impliquer et redonner à ma communauté. Ce sont mes espoirs et mes rêves. Je sais que j’y arriverai.