Sara-Jane Béliveau

Sara-Jane est encore bien vivante dans nos cœurs et nos pensées, et elle le restera toujours.

Par Isabelle Fortier, mère de Sara-Jane Béliveau (6 avril 1995-17 mai 2019)

Sara-Jane est morte d’un empoisonnement au fentanyl et à la sertraline le 17 mai 2019, à l’âge de 24 ans. Étudiante au Programme de droit et de développement international/mondialisation de l’Université d’Ottawa, elle était une jeune femme de cœur, intelligente et brillante. Ardente défenseure de l’environnement, son but dans la vie était de travailler avec nos Premières Nations afin de défendre leurs terres contre les sociétés et les développeurs (mines, pétrole, exploitation forestière, etc.). Pendant sa dernière année de vie, elle s’est impliquée dans la Croix-Rouge ici au Québec et a travaillé sur le terrain lors des inondations de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, au printemps 2019. Elle aimait aider les gens dans le besoin… Elle trouvait que cela donnait un sens à sa vie.

Sara-Jane était aux prises depuis l’adolescence avec des troubles de santé mentale, notamment une anxiété généralisée et une personnalité limite. Elle essayait désespérément de se stabiliser par la thérapie et des médicaments. Mais elle avait commencé à 13 ans à consommer des drogues de manière intermittente – d’abord du cannabis et des amphétamines, puis de la cocaïne et de l’héroïne. Les dépresseurs étaient sa drogue de choix. Une dose fatale de ce qu’elle croyait probablement être de l’héroïne, mais qui était en fait du fentanyl, a causé sa mort par un beau jour de mai 2019. Elle voulait vivre, avait des tonnes de projets, tentait par tous les moyens de trouver sa place dans le monde, son destin, son chemin…

Son décès soudain a bien sûr été un choc pour notre famille et pour ses ami-es. Nous savions qu’elle avait passé un hiver difficile, stressant, avec sa charge de travail à l’université, ses allers-retours constants entre Montréal et Ottawa, et une rupture avec son copain en janvier; mais elle nous disait que les choses allaient mieux, qu’elle s’était réconciliée avec son copain et qu’elle avait hâte de se reposer durant l’été. Toutefois, elle avait recommencé à prendre des dépresseurs, ou peut-être en prenait-elle régulièrement depuis un certain temps – on ne le saura jamais. Elle avait honte de son trouble de consommation, nous en sommes presque certain-es, car elle le cachait même à ses ami-es très proches. Elle ne voulait pas nous décevoir; elle voulait être la meilleure dans tout ce qu’elle faisait. Elle était si dure envers elle-même! Mais nous, tout ce que nous voulions c’était qu’elle soit heureuse…

Sara Jane Béliveau

Il faut malheureusement la mort d’un proche pour remarquer à quel point les troubles liés à la consommation de substances et les troubles de santé mentale affectent la vie de milliers de personnes au Canada. Tant de familles traversent la même épreuve que nous! L’approvisionnement en drogues toxiques détruit d’innombrables familles, en nous arrachant les personnes que nous aimons et que nous voulons protéger plus que tout. Malgré le deuil, et avec du recul, je peux dire que la mort de Sara-Jane n’est pas une fin en soi : c’est le début d’un nouveau combat, car elle m’a donné une raison d’avancer et de surmonter ma peine. Elle a passé le flambeau à moi, sa mère, pour que je poursuive sa mission : faire une différence dans le monde et améliorer la vie des personnes dans le besoin…

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Depuis son décès, je m’implique dans un organisme canadien appelé Moms Stop The Harm, en tant que militante et responsable régionale du Québec. Moms Stop The Harm est un réseau de familles canadiennes qui ont perdu un être cher à cause de la consommation de substances, ou dont un proche vit avec un tel trouble. J’ai trouvé beaucoup de soutien et de réconfort auprès de cet organisme. Ses membres m’ont aidée à mieux comprendre l’impact de nos politiques ratées sur les drogues et l’importance de notre plaidoyer pour susciter des changements positifs. Entre autres, je me suis « éduquée » sur la stigmatisation associée à la consommation de substances et à la maladie mentale. Je savais si peu de choses de l’état de ma fille, de son vivant! Les troubles liés à la consommation de substances et la maladie mentale sont encore tabous, mais il faut que ça change

Je suis convaincue que si notre société avait su reconnaître beaucoup plus tôt la souffrance des personnes qui consomment des drogues, et sans porter de jugements, la situation actuelle serait très différente. Mais il n’est jamais trop tard. Avec les autres mères de MSTH, j’ai pour mission de partager nos expériences de parents et les histoires de nos enfants afin de combattre la stigmatisation de la consommation de substances et de la maladie mentale. Nous devons en parler ouvertement, sans crainte d’être jugé-es, car plus nous partagerons nos histoires, plus les gens réaliseront que ça peut arriver à n’importe qui. Les troubles liés à la consommation de substances ne discriminent pas. Notre travail aide également les gens à comprendre que d’importants changements sont nécessaires à nos politiques sur les drogues et qu’il faut éliminer la stigmatisation et offrir une gamme de traitements qui accueillent la personne là où elle est, en respectant ses besoins, son rythme, sa force et sa volonté de se rétablir.

Sara-Jane est encore bien vivante dans nos cœurs et nos pensées, et elle le restera toujours. Pas un jour ne passe sans que je réalise comment, malgré sa mort (et hélas à cause de celle-ci), elle fait vraiment une différence, à sa manière, même si elle n’est plus parmi nous.

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The Regulation Project is an international collaboration to advocate and educate for the legal regulation of drugs.