L’approche actuelle du Canada en matière de drogues

Les politiques canadiennes relatives aux drogues font appel à plusieurs niveaux de compétence et à des interactions entre des politiques de plusieurs domaines, notamment sociales, pénales et économiques.1 Bien que le droit criminel (y compris la surveillance policière et les peines) joue un rôle majeur, les décisions concernant les politiques sur les drogues peuvent présenter des liens étroits et des interactions avec des politiques d’autres domaines, comme le logement, l’immigration, l’assistance sociale, la citoyenneté et l’éducation. Par exemple, les règles sur l’admissibilité à des services de logement social, les décisions concernant des soins de santé, ou des règles sur l’exclusion de jeunes des écoles en raison de leur consommation de drogues, auront toutes des conséquences pour des personnes qui consomment des drogues.

Les débuts de l’approche du Canada aux drogues permettent de constater que les politiques étaient en grande partie conditionnées par des croyances morales à propos des personnes qui en consommaient, et qu’elles misaient fortement sur le droit criminel pour contrer la consommation de drogues illégales. Plutôt que d’être des outils inoffensifs pour promouvoir la santé des Canadien-nes, les lois sur les drogues qui ont vu le jour au début des années 1900 étaient axées sur le contrôle social et visaient certains groupes de personnes, incluant les immigrant-es venu-es d’Asie, les personnes de couleur et les Autochtones.2 

Au cours du 20e siècle, les lois sur les drogues sont devenues de plus en plus complètes et les instances d’application de la loi ont joué un rôle plus important pour répondre à des préoccupations quant au nombre de jeunes consommant des substances dans les années 1960. Cela a conduit à une augmentation spectaculaire du nombre de personnes accusées d’activités liées à la drogue.3 De 2006 à 2015, les sanctions pénales sont devenues plus sévères, notamment avec l’introduction des premières peines minimales obligatoires pour des activités liées à la drogue et un mouvement concerté vers des politiques axées sur la justice pénale. Ces politiques ont entravé directement les efforts vitaux de réduction des méfaits. La loi a transformé les consommateur(-trice)s de drogues en de « mauvaises personnes » et cette approche a eu des effets dévastateurs sur la santé et le bien-être de la société, sans accomplissements dans la réduction concrète de la consommation de drogues.

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Insite, à Vancouver, le premier site de consommation supervisée en Amérique du Nord

À l’heure actuelle, les politiques sur les drogues sont complétées par la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances (SCDAS), adoptée en décembre 2016.La SCDAS établit une approche fondée sur les données probantes et dotée de quatre piliers, qui incluent la prévention, le traitement, l’application de la loi et la réduction des méfaits. Elle « oriente les mesures prises par le gouvernement fédéral pour traiter l’ensemble des enjeux liés à la consommation de substances, notamment la crise des surdoses d’opioïdes, de même que la transition vers la légalisation et la réglementation stricte du cannabis. »  

Le gouvernement fédéral indique qu’« on s’entend de plus en plus pour dire que la consommation problématique de substances est un problème de santé qui peut être prévenu, géré et traité, et qui exige une intervention axée sur la santé »; il signale que la SCDAS « a pour but de protéger la santé et la sécurité de tous les Canadiens en réduisant au minimum les méfaits de la consommation de substances pour les personnes, les familles et les collectivités. »4

(Source : Santé Canada)

Les politiques sur les drogues relèvent principalement du droit fédéral; notamment, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS) et plus récemment la Loi sur le cannabis qui a encadré le cannabis par un système légalement réglementé. La LRCDAS contrôle la production, la distribution (trafic) et la possession des drogues énumérées dans diverses « annexes » qui sont des listes de substances interdites, catégorisées selon leur degré de risque perçu et leur utilité médicale. Ces annexes déterminent la sévérité de la peine criminelle dont sont passibles les personnes déclarées coupables d’infractions liées aux drogues et substances énumérées. 

La LRCDAS prévoit un certain nombre de sanctions pénales pour les activités qui enfreignent la loi, notamment la possession et la distribution d’une substance désignée. La sévérité des sanctions est liée au niveau de dommages perçus, pour chaque drogue, plutôt qu’aux dommages réels. Par exemple, de nombreuses substances visées dans la LRCDAS sont reconnues comme étant beaucoup moins nocives que des drogues légales comme l’alcool et le tabac, qui n’y sont aucunement mentionnées et sont largement disponibles. L’autorisation d’activités impliquant ces drogues peut toutefois être accordée, à des fins médicales ou scientifiques, ou si l’activité est dans l’intérêt du public.

« [O]n s’entend de plus en plus pour dire que la consommation problématique de substances est un problème de santé qui peut être prévenu, géré et traité, et qui exige une intervention axée sur la santé. »

~ Gouvernement du Canada

Le système qui résulte de ces lois interdisant l’accès aux drogues en dehors de contextes médicaux et scientifiques étroits est ce que nous appelons « prohibition ». Malgré les efforts déployés pour contrôler les drogues par le biais de ces lois et l’importance des fonds publics consacrés à la prévention de la possession, de la distribution et de la production de drogues au Canada ainsi qu’à la prévention de leur entrée aux frontières – que l’on estime à environ 2 milliards de dollars par an – de nombreuses drogues techniquement « illégales » (c’est-à-dire inscrites aux annexes de la LRCDAS) demeurent largement disponibles. Bref, les lois actuelles ne parviennent pas à l’objectif pour lequel elles ont été conçues : empêcher l’accès aux drogues illégales.

Le Canada n’est pas le seul dans cette situation. Bien que les gouvernements dépensent environ 100 milliards de dollars US dans des approches de lutte contre la drogue qui reposent sur l’application de la loi, et qu’un grand nombre de personnes soient arrêtées et emprisonnées en vertu du droit pénal, le marché mondial illégal de la drogue est plus important que jamais. La prohibition a été un échec.




[1] [2] More Harm than Good: Boyd, Carter, MacPherson

[3] Panic and indifference: the politics of Canada’s drug laws: a study in the sociology of law by Giffen, P. J; Endicott, Shirley Jane, 1930-; Boorman, Sylvia, 1923-; Canadian Centre on Substance Abuse

[4] Ibid. Background document to CDSS consult

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